ARGUMENTAIRE

   

               « Parlez-moi d’amour, redites-moi des choses tendres », nous chantait Lucienne Boyer jadis. Quel est donc cet étrange sentiment que d’aucuns attendent autant dans une mise en mots que dans une répétition de gestes tendres marquant une qualité de lien ? Comment comprendre l’engouement humain pour l’amour et ses diverses déclinaisons ? Et lorsque ce sentiment s’étiole, s’interrompt, vire à la trahison et au drame, l’infidélité peut mener vers une possible rupture de liens.

               Issu du latin amor, l’amour désigne une disposition affective envers autrui, des valeurs (le beau, la justice…) ou des choses (la patrie, la nature…). La Grèce antique, quant-à-elle, évoque l’amitié (Phylia), l’amour érotique (Éros) et l’amour familial (storgê). Toutefois, un amour singulier s’y dégage : l’amour altruiste (Agapè) devenant l’Amor Dei dans la culture chrétienne, introduit l’amour divin. Dès lors, l’amour semble s’acoquiner avec une morale aux accents transcendants obligeant notamment les couples, à une fidélité légalisée. L’amour et la fidélité sont ainsi polysémiques : ils s’adressent à des personnes, des valeurs ou des choses.

               L’amour et la fidélité n’ont d’existence que par ce qui s’y oppose, c’est-à-dire, la haine et l’infidélité. Ceci laisse-t-il supposer une ambivalence incontournable dans tout lien ? L’amour « pur » serait-il une idéologie attisant l’infidélité ?

                Selon Freud, « l’amour naît en s’étayant sur la satisfaction du besoin de nourriture». La mère devient ainsi le premier objet d’amour érotique de l’enfant, lui faisant découvrir plaisir et déplaisir d’organe. L’établissement de ce lien d’amour s’inscrit dans une dynamique narcissique alimentée par la séduction. Ces premiers rapports parent-enfant sont sous les feux des pulsions, lesquelles se préoccupent d’un objet fantasmatique plutôt que réel. Pouvons-nous en déduire que l’amour humain s’initierait à partir d’un bain d’interfantasmatisation produit par le groupe sociofamilial ? L’amour se nourrit-il d’une illusion groupale indispensable au système narcissique ? Qu’en est-il de sa transmission à travers les générations ?

               Les prescriptions et les interdits que véhiculent les mythes aux origines des sociétés ont infiltrés la vie fantasmatique, traductrice de désirs. Mais, si l’amour fidèle se rapporte à une permanence, serait-ce la haine qui, refoulée ou clivée, trouve enfin dans l’infidélité sa plus fidèle expression ? Et dans les méandres du désir, l’infidélité agie peut-elle répondre à une fidélité inconsciente ? L’infidèle dans le couple et la famille rejoue-t-il les effets d’un trauma ?

               Comment penser, dans nos sociétés actuelles, l’organisation de l’ambivalence amour - haine au sein du couple et de la famille, fondatrice des premiers liens et porteuse d’un héritage générationnel ? Quelles en seront les contours et ses possibles transformations à partir d’une interfantasmatisation groupale originaire ? Comment l’ambivalence affecte-t-elle la fidélité et quels peuvent être ses effets dans le couple et la famille ?

 

               C’est ce que le présent cycle de conférences propose de découvrir.